Si vous voulez un avant-goût de Lames et Sanglots : la chanson de l’assassin, voici un extrait du premier chapitre.
Bonne lecture !
Le Traqueur
Rien de professionnel
Les morts ne pleurent pas.
Je ne verserai aucune larme.
Je serre le cadavre de balle dans mon poing.
Deux ans. Deux ans qu’il m’accompagne, jour pour jour. Deux ans à semer la mort et l’acier aux quatre coins de Preeton. Encore.
Deux ans à porter un nom. Un masque. Une identité.
À partir d’aujourd’hui, tout prendra son sens.
Cette ville n’en a aucun.
Ma main imprime les marques du cylindre. Un goût de fer s’immisce dans ma bouche. Je range l’étui bien à l’abri dans une poche.
C’est l’heure de renverser l’échiquier.
Le vent s’engouffre dans les ruelles. Dans la nuit, on dirait des hurlements. La pluie tambourine. Chaque goutte est meurtrière. L’enseigne du pub est ballottée par les rafales. Encore un peu et elle se décrochera.
Un homme attend devant l’entrée. Adossé à un mur, à l’abri sous l’auvent. Barbe touffue, longues oreilles. Teckel. Il grelotte, grommelle dans sa barbe, fait de son mieux pour résister aux assauts de la tempête. Puis entreprend d’allumer sa pipe. C’est peine perdue.
Il sursaute quand je me hisse à sa portée. Lâche un cri de stupeur. L’objet tombe. Se casse. Bon présage.
— Oh ! Désolé, je… Je t’avais pas vu.
Première fois que ça le surprend autant. Odeur de traquenard. Mais le jeu en vaut la chandelle.
— Ne perdons pas de temps.
Teckel acquiesce, et nous passons la porte.
Deux hommes entrent dans un pub. Ça commence comme une blague.
Une blague dont la chute est à mourir de rire.
Fumée, whisky merdique et mauvais tabac. L’ambiance de tous les bouges du coin. Le parquet craque. Nous dépassons des rangées de chaises et de tables pourries. À part neuf hommes en chemises sales et en bretelles rassemblés autour d’une partie de cartes, à fumer et à boire, pas un chat. Même le barman a décidé de ne pas être de la partie.
Cet échange n’aura rien d’amical.
La partie s’arrête quand nous arrivons. Le grand patron pose ses cartes et me dévisage en souriant, cigare aux lèvres. Son plombage luit à la lumière. Il a des airs de sourire de victoire.
— Voyez qui voilà, le Traqueur en personne ! Une légende vivante se trouve dans mon pub.
Ses hommes se tournent vers moi. Eux aussi me fixent du regard. Avec beaucoup moins de confiance que leur chef. Certains caressent le poignard sanglé à leur ceinture. D’autres leurs holsters. À croire que ma face représente une menace à elle seule.
J’estime, nombre les forces en présence. Leur efficacité. Leur armement. Puis reporte mon attention sur celui qui m’intéresse. Jerry Linkins. Patron de pub, chef de gang de seconde zone. Yeux et oreilles de Preeton. Un homme qui dispose d’informations dont j’ai besoin. Il éteint son cigare en le plongeant dans son verre. Se lève.
Ses hommes l’imitent. L’un d’eux me ceinture, les autres me délestent de mes armes.
— Tu m’en verras désolé, mais on n’est jamais prudent dans cette partie de la ville. Je tiens à ce que cette discussion se passe entre personnes civilisées.
— Vous vous donnez des grands airs pour pas grand-chose.
Silence. Nous nous foudroyons du regard. On lui apporte mes armes. Un coutelas, un revolver, quatre cartouches.
— C’est tout ? Je m’attendais à plus. Je suis déçu.
— J’aime voyager léger.
Linkins secoue la tête, un rictus aux lèvres. Il prend le temps de détailler ce qui me reste de figure.
— Tu es plus horrible que la rumeur le prétend, Traqueur.
— Assez parlé. Venons-en au fait.
Les chiens de Linkins s’éloignent. Teckel aussi. Je fais craquer les jointures de mes mains. Le patron reprend en désignant Teckel.
— Notre ami commun, ici présent, a fait courir le bruit que tu cherches du soutien dans ta croisade contre les K. Il raconte aussi que tu paies comptant. Que tu as les moyens.
Je hoche la tête.
— Continue.
— J’ai quelque chose qui pourrait t’intéresser. (Il tapote une poche de son pantalon.) J’ai des noms, des adresses. Le fruit d’années de planques et de filatures.
Vu la forme, ça ne peut être qu’un carnet. Il me le faut.
— Seulement, sache que le clan voue pour toi les mêmes sentiments. Eux aussi ont une dent contre toi, après toutes ces années. Ils paient. Offrent leur soutien. Leur protection. Plus que tu ne pourras jamais donner.
Deux hommes m’empoignent. L’un d’eux a préparé un sac. Il l’approche de ma tête. Rien d’étonnant. Je jette un œil sur Teckel. Il tremble. Baisse la tête comme un chien battu.
— D-désolé. C’est… c’est trop dangereux.
— Alors tu n’as aucune idée du danger.
Il me regarde dans l’œil. Pris d’un courage qu’il n’a jamais eu.
— Ça n’a rien de personnel, l’ami. C’est juste professionnel.
À consulter également…
→ Tout savoir sur Lames et Sanglots : la chanson de l’assassin
→ Rejoignez la communauté Lames et Sanglots !
→ Découvrez les coulisses de Lames et Sanglots : la chanson de l’assassin
Laisser un commentaire